Ajuster sa démarche aux besoins des enfants
Toute ma vie, j’ai enseigné la musique. Au fil du temps, j’ai accepté d’enseigner le piano à des élèves de plus en plus jeunes en démarrant l’apprentissage dès l’âge de 4 ans.
Mais comment faire? Fallait-il jouer au piano les quelques chansons que les enfants connaissent? Simplifier les premières leçons des méthodes usuelles pour débutants? Compter les touches du clavier et montrer tous les «do»? Dessiner des clés de sol et des notes? Encourager leurs petites inventions? Comme beaucoup de mes confrères, j’ai beaucoup tâtonné…
Mon envie était très grande d’entendre et de répondre au désir légitime de l’enfant de «jouer du piano» ou de «faire de la musique» dès leur première leçon (et encore plus dans les suivantes). Je me suis donc trouvée dans la situation – quelque peu inconfortable – de devoir aménager une méthode fiable pour y arriver. Deux questions m’ont parues essentielles: où voulions-nous arriver à la fin de ces maternelles de la musique et comment en agencer le parcours?
Si nous nous référons à nos habitudes sociétales, nous observons que dans beaucoup de domaines, des approches spécifiques sont élaborées en faveur du jeune enfant. S’il accompagne ses parents au restaurant, un «menu enfant» lui est proposé. A la plaine de jeux, les engins sont adaptés à sa taille et sa force. Lorsqu’il se rend à la bibliothèque, des albums-jeunesse contiennent beaucoup d’illustrations et souvent peu de mots. Pour apprendre à faire des puzzles, il découvrira une offre époustouflante et il pourra progresser du «très peu» à «beaucoup» de pièces en toute confiance.
Lors de mes recherches, il m’est apparu que nous pouvions de la même manière leur donner les bases nécessaires pour aborder ensuite des «études musicales classiques». L’expérience m’ayant démontré que deux ou trois années d’étude ludique et respectueuse des fondements musicaux suffisent. Me prenant au jeu, il m’a fallu une vingtaine d’années d’observations et d’ajustements pour trier et sélectionner les divers critères à retenir pour élaborer une méthode d’initiation à la pratique de l’instrument.
Par exemple, il me semblait naturel que le choix d’un format pratique pour les petites mains, d’un graphisme simple et d’une présentation haute en couleur rendrait les albums attrayants pour les petits pianistes. Par contre découvrir par «quoi» remplacer la lecture des notes était beaucoup moins évident. L’étude (en imitation prof-élève) de chansons simples, bien rythmées et doublées d’un visuel mnémotechnique fut la solution adoptée. Bingo!
En faisant de ce travail sensoriel notre moteur d’apprentissage, nous pouvons consacrer notre énergie à une imprégnation musicale suffisante. Finalement, il s’agit de recréer le même processus que celui vécu lors de la période de l’apprentissage oral et culturel de la langue maternelle. Un enfant qui prend l’habitude de jouer et rejouer ses morceaux préférés sera apte à partager ses coups de cœur avec un auditoire à tout moment. En agissant ainsi, on répondra à ce qui me paraît le plus essentiel: le désir légitime des enfants de «faire de la musique».